Si vous suivez Canal Aventure, vous savez que Bruno est le médecin de nos ultramarathons. Une longue carrière de généraliste et un riche passé de coureur à pied l’ont mené jusqu’à nous. Retour sur les tribulations d’un médecin pas si sage qu’on pourrait le penser….

 

[ Histoire d’un médecin voyageur ]

 

Généraliste, Bruno Thomas a commencé à courir à la quarantaine. Motivé par l’envie de garder la forme, il commence par quelques foulées dans les environs de son cabinet bordelais. Rapidement, il passe au semi-marathon et marathon classique… jusqu’à ce qu’il découvre dans un magazine sportif l’annonce du tout premier marathon par étapes et en autosuffisance dans le désert. Cette fois-ci, l’envie d’aller voir ailleurs l’emporte sur la prise de risque. A compter de ce jour, il ne cessera de courir par monts et par vaux, mêlant sueur, souvenirs et amitiés sur les pistes du Maroc, de la Réunion, du Mont-Blanc, de la Corse ou de la Chine. Au passage, il observe avec intérêt le travail de ses confrères en charge du suivi médical sur les épreuves…

 

 

En mars 2001, un séjour en montagne marque la fin à sa vie de coureur. Chute à ski, deux vertèbres brisées, tétraplégie, état de mort clinique. Il doit sa « deuxième vie » à deux amis médecins présents. Opéré rapidement, il entame une longue et intense rééducation, avec le précieux soutien de son épouse, Francine, et de quelques amis.

«Le problème, c’est que je ne pouvais plus courir. J’étais drogué à la course à pied « nature » et comme pour toute addiction, le sevrage est difficile. Vingt ans après je ne l’ai toujours pas digéré ! »

Devenu marcheur, il arpente avec Francine les routes du Yunnan, du Tadjikistan et de l’Iran…. Et commence à seconder un médecin lors d’un raid Pékin-Téhéran…. Avant de devenir le médecin de raids au Chili, au Népal, en Bolivie, en Inde, en Mongolie, à Cuba, etc. Son expérience de la médecine de haute altitude va bientôt l’amener à croiser notre chemin.

 

[ Une nouvelle aventure commence ]

 

Au sein de ces raids certes sportifs mais « qui me semblaient un peu pépères, avec repas le midi et hôtel tous les soirs… », Bruno commence à rêver d’horizons nouveaux. Isabelle, une infirmière rencontrée dans le Désert Blanc égyptien lui raconte les marathons Canal Aventure auxquels elle a pris part en Inde et au Burkina Faso et évoque la naissance d’une nouvelle course en Bolivie.

Sa connaissance des pistes d’altitude du pays et son besoin d’aventure le poussent à prendre contact. Dès les premiers échanges téléphoniques avec Jérôme Lollier, le courant passe. Bruno nous suivra sur l’Altiplano pour la première édition de l’Ultra BOLIVIA Race en 2014. Mieux encore, grâce à son amitié avec Jean-Pierre Herry (Médecin chef de l’Ecole Nationale de Ski et Alpinisme), il nous propose d’arriver avec un caisson hyperbare !

« Au moment de l’Ultra BOLIVIA Race, c’est l’hiver dans l’hémisphère sud. On court et on dort sous la tente par des températures très négatives à 4000 mètres d’altitude. Les champions de Trail sont souvent plus vulnérables face à l’altitude car plus on va vite, plus on consomme d’oxygène. Heureusement, avec l’organisation de Canal Aventure, on arrive 3 à 4 jours avant, ça permet de s’acclimater. »

 

 

 

Mais lorsqu’il s’agit de voyage, de découverte, il n’y a pas que l’altitude qui motive Bruno. En 2015, hors de question pour lui de manquer l’Ultra AFRICA Race au Burkina Faso… même si côté timing ce fût quelque peu Rock’n’Roll ! Engagé sur une course au Myanmar, il trace la route via Rangoon, Dubaï, Paris et Alger pour rejoindre Ouagadougou en 24 heures.

« Arrivé de nuit, j’avais rendez-vous le lendemain matin à la gare routière pour prendre un bus et retrouver le groupe dans la brousse près de la frontière du Ghana. Un lien fort s’est tissé avec l’équipe et depuis, j’ai suivi toutes les courses de Canal Aventure. »

Bruno souligne son attachement aux valeurs qui l’avaient poussé à s’engager dans son premier marathon nature : un nombre de coureurs limité, l’autosuffisance, le rapport avec la nature, les lieux traversés et les rencontres facilitées avec les populations locales. Dormir en plein désert, se réveiller à 4000 mètres d’altitude, se faire chauffer un plat lyophilisé en plein bush australien… ça lui va bien.

« On forme un petit noyau très international avec parfois 15 nationalités représentées sur 20 participants. »

Les réseaux sociaux permettent de garder le contact avec le monde entier et quelques amitiés nées pendant nos courses lui ont valu des invitations en Italie, en Argentine, etc.

 

 

[ Docteur, ami et un peu sorcier… ]

 

Course après course, Bruno s’est naturellement imposé comme un pilier essentiel à Canal Aventure. Il commence par souligner « avoir trouvé en Jérôme un véritable ami, plus jeune, excellent organisateur et vraiment sympa. »

Son passé de médecin de raids l’a confronté à tous types de situations, de simples entorses à la déshydratation sévère en passant par une fracture du bassin. Se définissant lui-même comme un médecin généraliste à l’ancienne, il sait ajuster sa pratique à la « bobologie » comme aux urgences vitales. Un médecin tout-terrain en somme…

 

 

Si son passé de coureur met en confiance les participants, son expérience, son approche humaine et ses cheveux blancs lui valent d’être qualifié de sage, de force tranquille ou de chibani. Quelque chose en lui rappelle Rafiki, ce mandrill à la fois shaman et combattif qui enseigne les principes du Hakuna Matata sur les terres du Roi Lion… On le devine expérimenté, bienveillant, parfois espiègle et casse-cou comme le jour où il s’est cassé une épaule pendant l’une de nos courses au Vietnam.

« Ils sont contents de recevoir de l’aide et c’est mon rôle de trouver une solution pour qu’ils aillent bien. Je ne suis pas si sage que ça mais ces surnoms me plaisent bien. » Au fil des ans, son amour du voyage et du partage ne se sont pas érodés. « Je continue et maintenant avec des plus jeunes et ça me plaît ».

Sébastien Millérioux, jeune médecin récemment entré dans la famille Canal Aventure, confirme ses dires et précise « J’ai été bluffé par son implication, son envie de transmettre ses connaissances en toute bienveillance et honoré de la confiance qu’il a su me témoigner. »

 

 

[ Le temps de la patience ]

 

Depuis mars 2020, l’aventure et les rencontres sous des cieux lointains ont laissé place à une sorte de « grand vide ». Une période qui aura tout de même conduit Bruno Thomas à mesurer l’ampleur de tout ce qu’il a accompli et vécu jusque-là, en tant que coureur, marcheur et médecin. Malgré l’impossibilité de compenser l’absence de voyages par des sorties culturelles que lui et Francine affectionnent, Bruno avoue « Je me sens plutôt avantagé de vivre ici, à Bordeaux, avec vue sur la Garonne ». Depuis cinq ans, il était de coutume de fêter son anniversaire en mars, pendant l’Ultra ASIA Race au Vietnam. Pour l’instant, il ne sait pas comment il le fêtera cette année.

Conscient qu’il nous faut rester patient avant de pouvoir bientôt repartir à l’aventure, il se rappelle de ces fêtes incroyables au Vietnam et souligne avec malice « les effets redoutables de l’alcool de riz ».